Présentation
« Ce soir, je hurle à la mort contre ceux qui nous gouvernent et qui nous exploitent. Ce soir, je brûle mes papiers et les papiers du monde entier. Ce soir, je hurle ton nom, liberté. Ce soir, battu, la gorge serrée et les mains tremblantes, je chante l’amour des peuples vaincus.
Ils ont arraché quelque chose en moi de vital : ils m’ont arraché Celma. »
Parcours d’insoumissions, rythmé de doutes, de velléités, d’acharnements, d’enthousiasmes à transformer le monde, « LES GENS DE PEU » est un spectacle plein de vitalité et d’audace inspiré par la vie même de celui qui le joue. Il interroge la désobéissance comme mode de lutte, voire d’existence au quotidien, et son corollaire nécessaire : la solidarité, la vraie, pas la condescendante mais celle où s’ancrent la réciprocité, le désir et l’amitié. Des échanges de sourires aux de moqueries bienveillantes en passant par les coups de mains clandestins ou illégaux, « LES GENS DE PEU » nous balancent des claques d’amour, celles qui remettent debout quand on se sent devenir paralytiques.
L’histoire s’ouvre sur le rappel d’un double meurtre commis par une sixaine de nazillon à l’uniforme noir et au brassard rouge, le soir de Noël 44, au creux d’un village ardennais silencieux. Exécution sommaire de deux frères, l’un résistant, l’autre juste curieux et inquiet de l’arrestation de son frère. Ce premier récit sanglant nous est raconté comme pour camper que l’histoire qui va suivre trouve ses racines dans toute rébellion à l’ordre inique. Ces solidarités fraternelles qui peuvent coûter cher face au monstre du pouvoir.
Ensuite s’entame la fiction d‘un interrogatoire policier, contemporain, où il est question du devoir de solidarité engagé, noué aux tripes, avec ces extrêmes gens de peu que sont les sans-papiers d’aujourd’hui. La nuit tombée, une femme et ses trois enfants, menacés d’expulsion, se sont enfuis d’une ferme où notre personnage, fil conducteur de l’histoire, les avait recueillis : « Cette nuit, tu es repartie sur les chemins de l’exil… ». La ferme subit un siège. Notre insoumis est arrêté et doit rendre compte.
Cet interrogatoire sera prétexte dramaturgique à lancer un véritable récit autobiographique sur ce qui fonde 60 ans de vie rebelle, celle d’un insoumis toujours en rebond, tantôt épuisé, tantôt en repli pour retrouver de la force, tantôt à nouveau debout et faisant face, relevé et remobilisé par les injustices qui l’assaillent ou qui atteignent ceux qui, comme lui, se trouvent sous la barre de la moyenne sociale. Sous la barre, c’est-à-dire là où, pourtant ex-premier de classe, futur premier de cordée, il a choisi de rester calé, lové, avec celle qui accompagne toutes ses luttes, avec ce fils qui lui sèche ses larmes, avec cette femme africaine qui le subjugue de son courage et de son optimisme, avec ces gars et ces filles, venus d’Erythrée, « accrochés à leur rêves fous d’atteindre l’Angleterre »… Avec ses convictions qu’un autre monde est possible, nécessairement possible.
De cette petite histoire, on sort chamboulé et interrogé, ému et remonté, après avoir vécu par les tripes quarante ans de résistance, fragile mais déterminée, presque involontaire. Comme si résister, ce personnage somme toute ne savait … faire que ça ! Comme si la grande histoire qu’il traverse et que l’on revisite pour partie lui dictait que tel est son destin, et à travers lui, celui des « gens de peu ».